J’aime mon métier !

A chaque rencontre, je compose, je fais avec, j’écoute, je prends les choses là où elles en sont.
« Je n’ose pas montrer mon sein que je n’ai plus »,
« Je ne veux pas voir ce corps qui n’est plus celui d’avant »,
« Il faut que j’apprenne à aimer mon corps trop maigre, qui me renvoie à mon handicap que je n’assume pas »,
« Je ne sais pas comment soigner ma peau qui était belle au pays, et qui est maintenant toute abîmée »,
« Je ne peux pas être touchée, j’ai trop subi de violences »,
« Je retire ma perruque, mais mon entourage n’a jamais vu ma tête nue »,
« Je sais que je dois apprendre à lâcher-prise, mais c’est tellement difficile »,
« Si tu savais comme je souffre ; mon cœur est en mille morceaux »,
« J’ai 55 ans, je viens d’être licenciée d’une boîte où j’ai fait toute ma carrière, je réalise que je suis trop vieille et que les entreprises préfèrent la jeunesse, je perds ma fierté »,
« Je commence ma chimiothérapie, j’ai mal partout, j’ai peur »,
« Regardez mes cicatrices : chacune a une histoire »,
« Regardez mes tatouages, chacun a une histoire »,
« Je suis tellement fatigué »,
« Je sais que je suis en train de toucher le mur, mais je ne parviens pas à faire autrement, je ne peux pas m’arrêter de consommer de l’alcool»,
« C’est si dur de ne pas pouvoir donner à manger à ses enfants, j’ai honte, je suis épuisée »,
« J’en peux plus de cette vie ».
Les gens que je reçois en soins se saisissent généralement parfaitement du temps qui leur est dédié ; ils comprennent que c’est celui où l’on peut se confier, où l’on se met à nu … où l’intime se dévoile.
Ce n’est pourtant pas simple de livrer son enveloppe corporelle, alors souvent, d’abord on parle. Et si toutefois l’on n’est pas prêt(e) à montrer son corps, si l’on n’est pas prêt(e) à être touché(e), on demande des conseils, ou l’on ne livre que ses mains, et cela suffit à se sentir un peu mieux parfois ! On parle de ses maux, ses maux du corps, ses maux dans son corps, ses maux avec son corps … Le corps lui, choisit de lâcher un peu, parfois il résiste… Puis au fur-et-à-mesure, au fil de la séance, ou bien au fil des séances, il se détend davantage… Et à la fin du soin, parfois, on nomme ses ressentis, ses sensations, on se sent mieux, apaisé(e), détendu(e) ou plein d’énergie… Ce temps, c’est celui de l’apprentissage de la réconciliation de soi-même avec son corps… : « Dorénavant, je veux pendre soin de moi, je réalise à quel point c’est important ».
Ce temps dédié, qui s’inscrit souvent dans ce processus de lente reconstruction, s’adresse aux personnes fragilisées. Quelle que soit la vulnérabilité des gens, je mesure moi-même chaque jour à quel point celle-ci nous guette à n’importe quel moment, celui où l’on ne s’y attend pas forcément. La maladie, le drame, la perte d’emploi, l’accident, le handicap, la maladie mentale, l’addiction, la perte d’autonomie… sont là, parfois tout près. Et quand ça nous touche, ça peut très vite être la descente, jusqu’aux enfers, c’est l’atteinte à l’image de soi, à sa fierté, à sa dignité.
Ce serait ô tellement prétentieux que de pouvoir guérir ces cœurs meurtris, ces corps meurtris, mais je suis convaincue que l’approche holistique qu’apporte la socio-esthétique, en complément du travail de toutes les personnes qui accompagnent (travailleurs sociaux, infirmières, infirmiers, soignant(e)s, psychologues, sophrologues, médecins, naturopathes, kinés, et j’en oublie tant…) contribuent à une amélioration de l’état de la personne, aussi infime soit-elle.
J’aime mon métier.

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